Quant je parle du féminisme de Beyonce à mes amies blanches, féministes, et adeptes de Mona Chollet, leur première réaction est : « nan mais faut qu’elle arrête de se proclamer féministe hein, tu ne peux pas te dire féministe un jour et te balader en combinaison en latex le lendemain avec le fil du tampon qui dépasse hein, en tout cas, ça ce n’est pas MON féminisme ».
« Elle ne se respecte pas, non mais tu as vu l’image qu’elle donne de la femme ? Une fille qui se balade en string, les fesses à l’air, à parler de cul la moitié du temps…. c’est vraiment ça le message qu’elle veut faire passer aux jeunes ? »
Que ce soit Nicky Minaj, Beyonce, Rihanna… toutes sont accusées d’être des opportunistes qui se servent du féminisme pour vendre des albums, mais qui n’ont rien compris à l’enjeu féministe ; se débarrasser des injonctions patriarcales, libérer son corps de la pression sociale du « vouloir être belle à tout prix ».
Depuis quand le féminisme ça fait vendre ? Si il y a vraiment un truc qui me fait marrer, c’est qu’on accuse Beyonce et consort de vouloir vendre plus d’albums en jouant la carte du féminisme… c’te bonne blague.
A moins d’être pour une cause ultra mainstream … les enfants – les zanimaux, et la planète –, en revanche adhérer à une cause politique ~controversée~ n’est jamais un bon plan de vente pour un.e artiste, qui risque tout simplement de voir une partie de ses fans lui tourner le dos (ben oui, on peut être républicain et apprécier Beyonce). Et le féminisme est loin de faire consensus, donc oui, je crois à la sincérité de Beyonce.
J’y crois d’autant plus qu’elle célèbre le féminisme depuis le tout début de sa carrière, période Destiny Child, où elle chantait à son mec qu’elle n’était pas là pour lui payer ses factures, qu’elle était fière de bosser pour s’assurer son indépendance financière, qu’être célibataire l’a rendu plus forte et que, quand même, il y a rien de mieux que les amies dans la vie #sororité.
Aujourd’hui, Beyonce poursuit son combat pour porter la parole des victimes de violences policières, pour se faire de le relai des la détresse des mères noires qui ont perdu leurs enfants, pour briser les stéréotypes sur la femme noire, pour montrer la richesse de sa beauté, de son univers.
Rien de vraiment rentable là dedans, mais au moins, on peut se réjouir qu’une sista utilise la tribune qui lui ait offerte pour rendre public les problématiques de la communauté des femmes noires.
Nan, le féminisme n’est pas le bon plan marketing de la célébrité, disons que ça lui rapportera quelques commentaires pourris en plus sur you tube.
Sinon, quand Nicky Minaj montre son cul t’es choquay mais quand c’est Lena Dunham tu applaudis ? Parlons de ton racisme dans ce cas…
Quand Lena Dunham, ou Amy Schumer se foutent à poil, les féministes blanches applaudissent : elles brisent les codes, elles lèvent le tabou de la nudité, osent montrer leur corps éloigné des standards de beauté photoshopés.
Par contre, quand une femme noire dévoile son corps, elle est vulgaire, le corps de la femme est celui de la sexualité bestiale, « par essence ».
Le corps de la femme noire est constamment hyper-sexualisée, objet de fantasme néo coloniaux.
Les canons de beauté sont racistes, euro-centrées : 90% des mannequins de podium sont filiformes, blanches, les traits « fins », les cheveux lisses.
La beauté classe, la beauté respectable, la beauté élégante, pour les médias, c’est une femme blanche et mince.
Quand ces stars dévoilent leur corps, leur formes, elles brisent ces standards de beauté. Certes, elles en créent de nouveau (fesses bien rondes et musclées, peau plutôt claire, jambe tonique…), mais reconnaissons leur au moins le mérite d’élargir le spectre de la beauté conventionnelle.
On ne peut pas s’auto objectiver, on se réapproprie une oppression, c’est différent Si tu arrêtes ton jugement à la longueur de la jupe, c’est que du fait juste du slutshaming de merde et que ton féminisme de façade ne sert qu’à justifier ton côté bien réac de profondeur.
Oui, une fille peut choisir de s’habiller de manière sexy, non par parce qu’elle est soumise au patriarcat, mais justement parce qu’elle lui fait un gros doigt d’honneur.
Mais d’abord, parlons un peu du patriarcat… si tu compiles tous les commentaires laissés par des hommes sur le net dès qu’une meuf apparait dans une publi, et que tu le personnifies, tu auras le patriarcat.
Et le patriarcat, il te bombarde d’injonctions totalement incohérentes et contradictoires.
Si tu veux être une fille bien, selon le patriarcat, : tu dois aimer le sexe, mais pas trop quand même sinon t’es une salope ; tu te dois d’être dévergondée, d’être bonne au lit ; mais de savoir te montrer respectable ; tu dois être belle sans-un-poil-qui-dépasse ; mais tout en « restant naturelle » et sans avoir conscience de ta propre beauté ; tu dois être ambitieuse, mais pas autoritaire ; tu dois être une bonne mère, mais ne pas délaisser ton conjoint ; tu dois aimer faire la fête, mais tu dois savoir te tenir ; tu dois avoir l’instinct maternelle, mais tu ne dois pas avoir d’enfants car « ta carrière avant tout » ; tu dois porter le voile pour cacher ta pudeur, ah non tu ne dois pas porter le voile c’est un signe d’oppression.
Donc quelque soit le choix que fera une meuf, il sera toujours critiquable aux yeux du patriarcat. Et quelque soit le choix que fera une meuf, il devrait toujours être respecté par le féminisme.
Certes, ces choix peuvent être fortement influencés par la société dans laquelle nous vivons… car nous sommes tous des êtres sociaux et que nous nous sentons parfois contraint.e.s de nous plier à la pression sociale.
Toutefois, reconnaissons à ces femmes le luxe de savoir mieux que nous, l’intention qu’elles mettent derrière ces choix.
Quant à cette oxymorienne idée que l’on puisse s’auto-objectiver…
Mmmmhhh, alors soit tu considères qu’elles sont responsables de leur choix et tu peux leur reprocher le choix d’assumer d’être des salopes… soit tu les considères soumise au patriarcat et donc tu ne peux les blâmer pour ce choix qui leur est imposé. C’est soit l’un soit l’autre.
Mais tu ne peux pas dire qu’elles sont à la fois responsables [des] et soumises aux injonctions du patriarcat.
Pour Beyonce, Nicky Minaj, Rihanna, Ariana Grande, ce choix est clair ; fais simplement l’effort d’écouter deux secondes leur chansons et tu verras qu’elles hurlent leur droit à bayser librement et sans contraintes. Elles plaident pour le droit à l’onanisme, le droit à l’orgasme, le droit au cunni, le droit de marcher de travers après s’être fait prendre comme jamais.
Pendant des siècles, on a dit aux femmes que leur sexe était impur, que leur sexualité était la source du péché. Ces femmes brisent ces tabous, en revendiquant une sexualité joyeuse, égoïste et libératrice.
Quant à l’image qu’elles donnent de la femme ? Une femme n’a pas la responsabilité d’être la VRP de l’ensemble de ses consœurs. On ne fait jamais reproche aux Sarkozy, Balkany, Allen, Polansky et consort de donner « une mauvaise image des hommes », alors que ce ne sont pas que quelques casserole qu’ils trimballent mais tout le rayon cuisine ikea.
Une femme ne doit à rien à personne, elle n’est pas l’étendard de la bienséance. Elle a le droit d’être ce qu’elle désire être sans se soucier de l’image qu’elle donne de la femme.
Car cette image est assez simple : celle d’une femme qui fait des choix librement.
Et en l’occurrence, l’image de femmes qui jouissent de leur sexualité, qui sont bien dans leur peau et dans leurs corps.
« Le sexe ça fait vendre, ne sois pas naïve »
Mouai, et le talent aussi. Adèle a régné a été au top des charts en 2015, en gardant bien serré sa robe col bateau : elle a juste une voix fabuleuse ; Beth Ditto s’est fait un nom grâce à sa fabuleuse personnalité et Iggy Azalea a tout misé sur l’appropriation culturelle.
Oui, le sexe fait vendre, mais pas que… les artistes ont plusieurs manières d’atteindre le succès mais miser sur sa sexyness n’est clairement pas la seule, et ce n’est certainement pas suffisant.
Si tu penses réellement que Beyonce doit 15 ans de carrière à son boule, j’ai envie de dire, ravale ta mauvaise foi et étouffe toi avec.
Donc non, s’il suffisait de vendre du sexy pour faire carrière, n’importe quelle meuf bien foutue pourrait vendre des places de concerts par millions, mais à moins d’avoir de la merde dans les oreilles, il faut reconnaitre à Beyonce le talent. De sa propre voix bien sur, mais aussi de tous ceux qui l’entourent et qui concourent à la qualité de ses musiques, de ses shows.
Et j’ai envie de dire, et quand bien même ? Et même si elle ne vendait QUE du sexe ? En quoi ce sera mal ? N’étant pas putophobe … j’ai envie de dire … non. Une fois encore, si une femme a envie de vendre « du sexe », libre à elle de le faire. Le sexe c’est trop cool, parler de sexe c'est trop cool, faire du sexe c'est trop cool, une femme qui aime le faire et le dit haut et fort c'est trop cool, les gens aiment le sexe, get over it.
Une féministe se doit, encore une fois, de respecter ces choix sans jugement réac moralisateur.
Si, ces meufs se respectent, c’est toi qui ne les respectes pas. Nuance.
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