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Clarisse

Pourquoi je n’arrive pas à quitter mon bourreau

Edit : je l'ai quitté. Mais cet article s'adresse à toutes les personnes qui se demandent "pourquoi est ce qu'elle ne le quitte pas?"

Je suis diplômée, master en science politique, j’ai toujours été de gauche, militante pour les droits des femmes. C’est dans le cadre de mon activité militante que j’ai rencontré mon homme : également militant, ouvertement bisexuel, militant à AIDES.

C’est lors d’une fête queer que notre idylle a commencé, il était en drag, reine de la nuit et bientôt roi de mon coeur.

Nous avons eu deux enfants ensemble, et notre histoire d’amour, vu de l’extérieur, semblait parfaite.

C’était une vraie histoire d’amour, je n’avais jamais autant aimé une personne jusqu’à le rencontrer, lui, et je crois que c’était réciproque.

Mais dans notre intimité, c’était moins … évident. il devait lutter contre ses démons intérieurs : il avait été abusé par un oncle étant petit, et venait d’une famille « violente », où les cris et les injures étaient le quotidien.

Difficile donc, de lui désapprendre ce mode de fonctionnement, difficile de lui apprendre que la base d’une relation saine est une relation non violente et bienveillante.


Je crois avoir essayé tous les outils possible pour faire sortir la violence de notre couple : la thérapie, la mise en place de règles de communication non violente, je lui ai fait lire des articles…


Pourtant, cela empire : des cris, on est passé aux insultes, et des insultes… aux coups.

Et me voilà, féministe déclarée, parfaitement consciente de la gravité de la situation, parfaitement consciente que jamais je ne laisserai une de mes amies dans une situation similaire, parfaitement conscience que je ne dois pas croire aux excuses et aux regrets … j’ai lu des dizaines de témoignages de femmes battues…. je sais que les regrets d’un homme violent ne sont que d’éphémères promesses, aussitôt prononcées et aussitôt oubliées.


Et pourtant, me voilà presque prisonnière de cette relation. Maintenant, plus que jamais, je comprends le vécu des femmes battues.


Cela commence insidieusement, d’abord, il t’insulte, mais ce n’est pas de sa faute, il a eu une dure journée, il encaisse beaucoup, sa dépression latente, il est nerveux, son enfance difficile.


Alors tu pardonnes… puis ça recommence, et il te dit que c’est sous le coup de la colère, que c’est pas ta faute, que c’est juste une mauvaise période, et que ses problèmes de dos le font terriblement souffrir.


Et un jour, il te met une claque, et là encore, tu lui dis que c’est finis, alors il te dit qu’il va se suicider si tu t’en vas, que c’est arrivé qu’une seule fois et que cela ne se reproduira plus jamais.

Puis vient le deuxième coup, un coup de pied, dans la poitrine, et là … et là j’écris ce témoignage.


Les raisons de sa colère? Toujours des broutilles, je me suis resservi du muesli, il l’a mal pris (croyant que je le narguais…), j’ai voulu lui emprunter son couteau et il l’a mal pris (croyant que je n’écoutais pas ce qu’il disait…), bref, la liste est longue.


Ma raison me dit de fuir, loin, vite, le plus loin possible. Mais mon coeur me dit qu’il y a toujours un espoir, que ce n’est que 2 coups, que tout n’est pas perdu, que je ne  peux pas abandonner tous nos projets, notre foyer, notre maison que l’on a mis si longtemps à construire, et dans laquelle je me suis autant investi, l’abandonner à ses démons.

C’est briser notre foyer, c’est rompre le lien entre lui et les enfants. Devoir leur expliquer : papa est violent, il tape maman. Tout briser.


Voilà, je suis à la croisée des chemins, et bêtement je me sens coupable de devoir quitter cet homme qui me bat, car je connais son histoire, car j’ai peur qu’il sombre.


Je faisais partie de celles qui disaient « au premier coup, je me casse », et me voilà fasse à mes propres contradictions.


Clarisse

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